Le Sein des Seins

Ce fut par un matin neigeux. Il gelait à pierre fendre, et n’amasse pas mousse, lorsque, soudain, sur le petit chemin givré qu’il avait emprunté, en désespoir de cause, il le vit. Où dut-on dire qu’il la vit ? Car il s’agit, pour sûr et botte de foins, d’une apparition. D’un saint. Qu’en son sein, le réchauffa, lui le pauvre imagier perdu en ces contrées lointaines et hostiles, puisqu’il se trouvait à bien, du moins, ne serait-ce que, et encore, environ un quart de mile de chez lui.

C’était donc, disions-nous, un Saint. Genou ployé à terre, il remercia Jésus, Marie, Joseph, et les Autres. Et le Saint, alors, reconnaissant en lui un homme de foi, lui tint par devers son fromage de foie ce discours. Qu’il se nommait Saint Sénart, et que chaque Jeudi Sein, il lui devrait sacrifier trois oies, quatre poules et deux coqs. Et nonobstant ce fait, et sachant cependant qu’il aimait aussi le bon foie gras, l’homme de foi lui révéla son avenir.

Il n’y comprit goutte, ni mais. Néanmoins, de retour en son logis, fortifié en son sein, et raffermi en son fors, l’imagier sut qu’elle était sa destinée. Il avait été touché par la Providence, et désormais en connaissait les Saints Desseins. Il s’y vouerait toute sa vie, guidé par Saint Sénart. Un grand récit édifiant il enluminerait. Les aventures d’un homme de foi, un autre, un dénommé Tibélius d’Aquilin, un sous-chambellan amateur de dessins frappés par les desseins, poursuivi par l’ire d’un triste sire, le prévôt Ponifer, serviteur d’un seigneur, Minus de Bonus-Malus, tout aussi frappé par le destin. Des aventures narrées par un ménestrel, Pontivius de Mamelin. Et par-delà les doux mamelons verdoyants, les riantes vallées ombrées, du Beaunichonois, une sombre et sinistre menace se profilant. Celles des sanglantes guerrières au nom en soi synonyme de terreur et d’horreur : les Hamabies-Lyttés.

Ainsi fut fait, et dit, et s’attelant à la tâche, Patricius de Villerest produisit tout d’abord ce que voici, ébauches, esquisses et recherches…